ON FAIT DE TRES BELLES CHOSES, MAIS BEAUCOUP DE PERSONNES NE LE SAVENT PAS ENCORE

28 août 2024 par
ON FAIT DE TRES BELLES CHOSES, MAIS BEAUCOUP DE PERSONNES NE LE SAVENT PAS ENCORE
MPT Admin

Alors que la Maison Pour Tous fêtera ses 40 ans en mars 2025, Michèle, membre de l’association depuis sa création et habitante historique du quartier du Val d’Argent, nous offre un regard sensible et bienveillant sur l’évolution de son quartier et de la Maison Pour Tous. Retour sur la genèse d’un quartier urbain et du premier centre social d’Argenteuil.

A l'époque, ce type d’aménagement urbain et d’architecture c’était nouveau

J'habite le quartier du Val d’Argent depuis 1967. Tout n'était pas construit encore. Les premiers bâtiments étaient en train de voir le jour. Puis au fur et à mesure, cela s'est développé et la Dalle a été installée après. J’ai donc connu les tas de gravats, les allers et venues des camions, etc. mais l’école Paul Éluard était déjà là, donc j’ai pu y scolariser ma fille.  


Le quartier était très agréable à vivre. Très vite, fin 1968 et en 1969, tous les commerçants sont venus s'installer sur la place de Denis Diderot : la pharmacie, une boucherie chevaline, un boucher de viande rouge, un charcutier, un volailler, une très grande boulangerie pâtisserie, une petite supérette, un marchand de fruits et légumes, une auto-école, un parfumeur, etc. Il y avait même un pub. Il s’appelait le Pub d’Argenteuil. Les gens venaient boire un coup, manger une glace l'été. On allait parfois y manger le dimanche avec les enfants. 


C’était aussi un quartier très sécurisé. Je n'avais pas peur que mes enfants se fassent écraser parce qu'ils ont appris à marcher et à faire du vélo sur la dalle. Les vélos étaient autorisés jusqu'à l'âge de 6 ans. Les motos étaient interdites. Il y avait des escaliers et des pentes pour monter sur la dalle, mais c'était interdit aux véhicules. Pendant que les enfants jouaient, nous, les mamans nous discutions assises sur les bancs


 A l'époque, ce type d’aménagement urbain et d’architecture c’était nouveau. On a eu des écoles d'architectes qui venaient de la France entière et de pays étrangers. Ils venaient visiter et voir comment cela avait été fait, comment avait été conçu le quartier et comment les gens y vivaient avec tous les commerces. 

On a eu jusqu’à trois banques ici. Aujourd’hui il n’y a plus rien de tout cela. 

Après, une fois que la dalle a continué d'avancer, il y a eu le grand magasin, qui est maintenant fermé. C'était un Leclerc. On ne prenait jamais la voiture pour aller faire les courses. Tout était là. Sur l'esplanade de l'Europe, il y avait aussi d’autres magasins et des équipements comme la Poste, un magasin de chaussures André. On a eu jusqu’à trois banques ici. Aujourd’hui il n’y a plus rien de tout cela. Je ne fais plus du tout mes courses alimentaires à Argenteuil.


C'est fini. Ma fille m’accompagne en voiture pour faire mes courses à Sannois ou à Sartrouville le week-end, même si maintenant il y a une grande surface au centre-ville d’Argenteuil. Un vrai magasin digne de ce nom, des commerces de proximité pour faire ses courses et des équipements dans le quartier, c’est vraiment ce qui nous manque ici aujourd’hui. 

Ce chômage a amené une profonde transformation du quartier

Qu'est-ce qui s'est passé alors me direz-vous ? On ne sait pas. Petit à petit avec la crise que tout le monde a vécue suite au premier choc pétrolier en 1973, la situation a commencé à se détériorer. Il y a eu énormément de chômage à partir des années 1975-1976 avec la fermeture progressive des usines, principalement d’aviation, car de nombreuses personnes d’Argenteuil y travaillaient. Beaucoup d'hommes se sont retrouvés au chômage. Je me mettais à leur place. On avait à peu près tous des enfants en bas âge. On les élevait ensemble, on se retrouvait toujours à la sortie de l'école et sur la dalle.   


Je pense que ce chômage a amené une profonde transformation du quartier. Il y a des gens qui ont baissé les bras. Et il y a des enfants qui ont vu ça dans leur famille. Puis progressivement les commerces ont fermé les uns après les autres et on a vu la délinquance se développer. Dans les années 1980-1990, les bagarres entre groupes de jeunes issus de différentes villes ont commencé. Cela a été montré et amplifié par les médias et ça s’est resté dans l’esprit des gens. Cela s’est passé ainsi dans beaucoup de villes de banlieue. Une fois qu'on est sorti de l'école, quand on ne sait pas quoi faire, qu’on n’a pas de travail, on fait des bêtises. Je pense que les jeunes, parfois, ils veulent se faire remarquer parce que s’ils ne font rien, ils ne sont pas valorisés du tout. Après il ne faut pas généraliser. La majorité des jeunes ici sont sans histoire.   

Personnellement, je n’ai jamais eu peur

Personnellement, moi je n’ai jamais eu de problèmes même si je rentrais tard après mes activités associatives. Je n’ai jamais eu peur. Je me souviens, il y a quelques années, à la fin d’un Conseil d’administration de la Maison Pour Tous, alors que je rentrais tard avec une autre administratrice, quelqu’un nous dit « Vous n'avez pas peur de vous faire attaquer, les filles ? Vous voulez qu'on vous accompagne ? » C'était des hommes... On a demandé « Pourquoi ? » On s’est regardées toutes les deux et cela nous a fait sourire

Ça s'appellerait La Maison Pour Tous 

Dans ce quartier et notamment sur cette dalle, il y a des lieux très importants, indispensables : les associations et parmi elle il y a la Maison Pour Tous.  Je l’ai connue avec son premier directeur, René Chausson, qui était aussi le directeur de la MJC d'Argenteuil que nous fréquentions à l’époque avec mon mari et l’ainée de mes filles. Un jour, en 1985, René m’a dit, « Tu sais, Michèle, on va monter un truc sur la dalle, près de chez toi.  Ça t'intéresse ? Ça s'appellerait La Maison Pour Tous ». J'ai dit « Oui, bien sûr que ça m'intéresse ! » Cela a été monté avec la Mairie. René était détaché de l'éducation nationale. C'était un éducateur d'enfants, et d'adolescents. A l’inauguration, le maire de l'époque est venu avec ses adjoints et quelques habitants.

 ​

Créer un lien social avec les habitants 

Au début, moi, j'étais la trésorière et René le directeur, parce que nous n’étions que tous les deux. Et on n'avait pas du tout ou très peu d'adhérents. La mission de la Maison Pour Tous n’était pas de développer des activités ou des sorties, car cela se faisait déjà à la MJC, mais de créer un lien social avec les habitants et avec les structures municipales qui existaient déjà. Une des premières choses qu’il a mis en place c’était le ciné-club car il était mordu de cinéma.  


Il était tout le temps dehors à discuter avec les jeunes de l’accueil jeunesse qui était à côté. Il a commencé à organiser des sorties puis des week-end et des colonies avec eux. C’est après que nous avons développé des activités. Un jour, une retraitée est venue en nous disant « Ah, mais moi, j'ai envie de faire des sorties. Je ne veux pas rester ici à ne rien faire. Qu'est-ce que vous me proposez ? » Alors, René, a répondu que nous pourrions peut-être organiser des petites sorties. Au début, avec un petit car, il nous emmenait à 7 ou 8 faire des petites sorties aux alentours. On n'était pas très nombreux, mais après, le car, il est plein !

C'est comme cela que ça a vraiment commencé

C'est comme cela que ça a vraiment commencé. On a développé des activités en fonction des demandes et des envies. Par exemple, un jour j’ai dit et « si on faisait une activité peinture sur soie ? » Et on a ouvert un atelier avec quelques personnes. Cet atelier existe encore.


Du côté du Conseil d’administration on ne faisait pas beaucoup de réunions sauf avec la Mairie. C’était déjà une association mais sous la tutelle de la Mairie. C’est après que nous sommes devenue une vraie association. Aujourd’hui nous avons des représentants de la Mairie au CA mais la Maison Pour Tous est indépendante. Après, René, j’ai connu le second Directeur, Roland, puis Sakina, la directrice actuelle.

Continuer à tisser du lien, comme à ses débuts

Aujourd’hui la Maison pour tous, c’est une association de près de 600 adhérents, 19 administrateurs, une équipe de 6 salariés permanents, entre 7 à 8 animateurs vacataires et un réseau de 54 bénévoles tous très impliqués dans la vie de l’association, ses activités ou son fonctionnement. Pour moi, sa principale mission reste le fait de continuer à tisser du lien entre tous les habitants, comme à ses débuts.  


Et parfois ce n’est pas toujours si facile. Il y a des personnes qui pensent que la Maison Pour Tous ce n’est pas pour elles, qu’elle est réservée à certaines personnes ou à certaines activités, comme l’apprentissage de la langue française, mais c’est faux. Il faut que nous travaillions davantage sur la mixité de nos publics. Par exemple, il faudrait pouvoir attirer plus de messieurs et les personnes qui pensent qu’elles n’y ont pas leur place en faisons notamment mieux connaître notre offre d’activités.

En 2024, un nouveau projet social pour se projeter dans l’avenir

La Maison Pour Tous est en train d’élaborer son nouveau projet social et le renforcement de la diversité de nos publics en fait partie. Alors que les activités n’étaient pas la priorité au début, aujourd’hui je trouve que c’est vraiment une des forces du centre social. Et c’est même dommage que nos locaux, par leur taille, ne nous permettent pas d’en proposer davantage. Ce qui fait aussi sa particularité c’est son côté très familial.  


C’est un vrai lieu de convivialité. C'est ouvert. Les gens sont très sympathiques. Je suis très fière qu'il y ait une association comme celle-là au Val d’Argenteuil. On fait beaucoup de belles choses mais beaucoup de personnes qui ne le savent pas encore. Avoir une plus grande communication, cela fait aussi partie de notre nouveau projet social.